30 ans de travail.
800.000 euros de chiffre d’affaires.
4 salariés.
Et pourtant, le jour de la vente : refus de la mairie.
« Vous ne pouvez pas vendre. Vous n’avez pas de fonds de commerce. »
Une phrase brutale.
Mais juridiquement, elle peut être fondée.
La raison ? L’activité était exercée sur le domaine public. Et toutes les activités sur domaine public ne donnent pas naissance à un fonds de commerce cessible.
Peut-on vendre un fonds de commerce sur le domaine public ?
La question peut sembler absurde pour beaucoup de professionnels.
Vous avez une clientèle fidèle, un emplacement stratégique, une équipe, une activité déclarée… Alors pourquoi ne pourriez-vous pas vendre votre entreprise ? Et invsrsement, pourquoi vous ne pourriez pas acheter ce fonds qui fonctionne très bien ?
La réponse dépend de deux choses :
- La date d’acquisition de votre emplacement
- La nature de la clientèle que vous avez construite
Avant 2014 : la cession était impossible
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 (dite loi “Pinel”), aucune activité sur le domaine public ne pouvait générer un fonds de commerce cessible.
Pourquoi ?
📍 Parce que la clientèle était considérée comme attachée au lieu, pas à l’exploitant.
Et l’un des critères essentiels d’un fonds de commerce est précisément l’existence d’une clientèle propre.
👉 En clair : vous occupiez un emplacement, mais vous ne pouviez pas céder “votre affaire”.
Depuis 2014 : c’est possible… sous conditions
La réforme de 2014 a changé la donne.
Désormais, un fonds de commerce peut exister sur le domaine public, si deux conditions sont réunies :
- Une convention d’occupation a été accordée par l’autorité gestionnaire (mairie, collectivité…)
- L’exploitant démontre l’existence d’une clientèle propre
C’est ici que les dossiers deviennent complexes.
Cas pratique : un étal sur un marché côtier
L’année dernière, un chef d’entreprise me contacte. Il souhaite céder un étal de fruits et légumes qu’il exploite depuis près de 30 ans sur un marché en bord de mer. Une affaire solide :
- 800.000 € de CA
- 4 salariés
- 1 camion
- Une position centrale sur la place
Problème : il occupe deux bancs sur le domaine public, sous convention d’occupation précaire, dont un datant d’avant 2014.
➤ Le premier banc : impossible à céder
Créé dans les années 80, ce premier banc est préempté par la mairie pour réorganisation estivale. Aucune possibilité de le vendre : pas de clientèle propre reconnue, pas de fonds transmissible.
➤ Le second banc : sauvé par la loi de 2014
Le second, obtenu après 2014, a pu être vendu. Pourquoi ?
- Convention d’occupation régulière
- Existence d’une clientèle personnelle et identifiable
- Attestations signées par plusieurs clients réguliers pour justifier cette fidélité
✅ Cela a permis de sauver la cession… avec un léger ajustement du prix.
Le critère décisif : la clientèle propre
En matière de cession de fonds de commerce sur domaine public, la clientèle est la clé de voûte juridique.
Il ne suffit pas d’être présent.
Il faut prouver que les clients viennent pour vous, et non uniquement pour l’emplacement (marché, promenade, parvis…).
📌 Comment prouver l’existence d’une clientèle propre ?
- Attestations de clients réguliers
- Historique de commandes, factures
- Site internet ou réseaux sociaux associés à votre nom
- Chiffre d’affaires stable ou croissant
- Absence de monopole lié à l’emplacement
Et les restaurants ou paillotes en bord de mer ?
Le Conseil d’État a tranché une affaire similaire en 2021.
Un restaurateur exploitait une paillote depuis des années sur une plage avec une convention d’occupation. Celle-ci interdisait expressément la création d’un fonds de commerce.
Résultat : malgré sa notoriété, ses salariés et ses investissements, il n’a pas pu céder son activité.
L’issue du litige ? Un refus de requalification, et une perte sèche pour l’exploitant.
À retenir si vous exploitez un local ou un emplacement sur domaine public :
- ✅ Après 2014, un fonds de commerce peut exister… mais vous devez prouver la clientèle propre
- ❌ Si la convention d’occupation interdit la création d’un fonds, vous ne pouvez pas céder
- ⚠️ La mairie peut préempter, refuser le transfert, ou résilier la convention dans certains cas
Conseil pratique : anticipez toujours avant de céder
Avant toute cession, je recommande systématiquement un audit de cessibilité :
- Analyse du statut juridique de l’occupation
- Relecture de la convention
- Vérification de la clientèle exploitable
- Stratégie de négociation avec la mairie
Conclusion
Tous les fonds ne sont pas cessibles.
Et exploiter un emplacement public, même depuis 20 ans, ne garantit pas le droit de vendre son activité.
C’est injuste ? Peut-être.
Mais c’est la règle.
📞 Si vous exploitez un restaurant, un étal, une paillote ou un kiosque sur le domaine public : demandez un audit de cessibilité avant toute promesse de vente.
👉 Prenez rendez-vous pour faire le point.