Restaurateurs : pourquoi votre loyer peut soudainement augmenter
Pour un restaurateur, le loyer commercial est souvent la charge la plus lourde après la masse salariale.
À l’heure où l’inflation et le coût des matières explosent, une hausse inattendue du loyer peut mettre en péril tout l’équilibre économique d’un établissement.
Le problème ?
Les bailleurs disposent de plusieurs leviers juridiques pour augmenter le loyer en cours ou en fin de bail : la révision triennale, l’indexation automatique prévue dans la clause d’échelle mobile, voire le déplafonnement au renouvellement.
Comprendre ces mécanismes, c’est préserver la rentabilité de son restaurant et éviter de subir une hausse injustifiée.
1. Révision triennale ou indexation automatique : quelle différence ?
Le Code de commerce distingue deux mécanismes d’augmentation du loyer : la révision légale triennale (art. L.145-38) et l’indexation conventionnelle (clause d’échelle mobile, art. L.145-39).
🔹 La révision triennale (article L.145-38 du Code de commerce)
- Elle peut être demandée tous les trois ans, par le bailleur ou le locataire.
- Le loyer peut être ajusté à la variation de l’indice de référence (souvent l’ILC, indice des loyers commerciaux).
- La hausse reste plafonnée : elle ne peut dépasser la variation de l’indice depuis la dernière fixation.
🧮 Exemple
Loyer initial : 3 000 €
ILC initial : 120 → ILC actuel : 132
Nouveau loyer = 3 000 × (132 ÷ 120) = 3 300 €
Cette révision est donc encadrée : elle ne dépend pas du bon vouloir du bailleur.
🔹 L’indexation automatique (clause d’échelle mobile – art. L.145-39)
- Elle figure directement dans le bail.
- Elle ajuste le loyer chaque année ou chaque trimestre, selon un indice prédéterminé (souvent ILC pour les restaurateurs).
- Elle joue automatiquement, sans demande formelle.
Attention :
Si la clause d’indexation est mal rédigée (index évoluant uniquement à la hausse, ou déconnecté de la réalité économique), elle peut être annulée partiellement ou totalement par le juge.
✅ Check-list : avant d’accepter une augmentation de loyer
- Vérifiez si la demande correspond à une révision triennale ou à une indexation prévue au contrat
- Confirmez que l’indice ILC est bien celui appliqué à votre activité
- Recalculez le montant à partir de la formule légale
- Refusez toute hausse sans fondement juridique ou calcul précis
- Conservez toutes les correspondances écrites du bailleur
2. Quand et comment le bailleur peut-il augmenter le loyer ?
📅 Pendant le bail : révision ou indexation seulement
En dehors des mécanismes prévus par la loi ou le contrat, aucune augmentation n’est possible.
Le bailleur ne peut pas invoquer une hausse des charges, des taxes ou du marché pour revaloriser librement le loyer.
👉 Le restaurateur doit donc vérifier la clause d’indexation :
- L’indice est-il clairement désigné (ILC ou ILAT) ?
- La périodicité est-elle conforme ?
- La clause prévoit-elle une variation “à la hausse et à la baisse” ?
📆 À la fin du bail : le renouvellement et le risque de déplafonnement
Au moment du renouvellement du bail, le loyer du bail renouvelé est, en principe, plafonné (art. L.145-34 C. com.).
Mais il peut être déplafonné dans certains cas (durée > 12 ans, modification notable de l’environnement, travaux majeurs, déspécialisation).
Le bailleur peut alors proposer un nouveau loyer fondé sur la valeur locative, bien supérieure à l’ancien.
D’où l’importance, pour le restaurateur, d’anticiper la fin de bail et d’agir avant la 9e année.
3. Cas particulier : le bail commercial “3-6-9”
Le bail 3-6-9, prévu par les articles L.145-1 et suivants du Code de commerce, offre au locataire une stabilité sur neuf ans.
Mais tous les trois ans, le bailleur peut :
- Demander une révision triennale (art. L.145-38) ;
- Appliquer la clause d’indexation si elle existe ;
- Et, à la fin des neuf ans, proposer un loyer de renouvellement.
Le restaurateur doit donc suivre l’évolution de son loyer à chaque étape du bail pour éviter un effet “ciseau” (hausse cumulée importante).
💡 Conseil pratique :
Conservez un tableau récapitulatif de l’évolution de votre loyer et de l’indice ILC pour vérifier la régularité de chaque augmentation.
4. Peut-on contester une augmentation de loyer ?
Oui.
Le restaurateur dispose de plusieurs leviers selon le type d’augmentation :
🧾 En cas de révision ou d’indexation erronée :
- Vérifier le calcul de l’indice (erreurs fréquentes).
- Demander une rectification amiable.
- Saisir le juge des loyers commerciaux (tribunal judiciaire) si aucun accord n’est trouvé.
⚖️ En cas de déplafonnement injustifié :
- Exiger la preuve de la modification notable invoquée par le bailleur.
- Solliciter une expertise contradictoire sur la valeur locative.
- Négocier ou contester la demande devant le juge compétent.
📌 À retenir : la charge de la preuve pèse sur le bailleur (art. L.145-33 C. com.).
✅ Check-list : contester efficacement une augmentation
- Relisez la clause d’indexation du bail
- Comparez l’indice appliqué avec l’ILC officiel (Insee)
- Vérifiez la date de référence utilisée
- Demandez au bailleur ses justificatifs de déplafonnement
- Consultez un avocat avant d’accepter ou de payer la hausse
- En cas de blocage, saisissez le juge des loyers commerciaux
5. Exemples concrets dans la restauration
🍽️ Exemple 1 – Révision triennale mal calculée
Un restaurateur de centre-ville reçoit une demande de hausse de +15 %.
Après vérification, le bailleur avait appliqué un indice ILAT au lieu de l’ILC.
Résultat : révision annulée, trop-perçu restitué.
☕ Exemple 2 – Rattrapage rétroactif sur 5 ans
Un bailleur réclame un rattrapage de loyers non indexés depuis 2019.
Le restaurateur démontre que la clause d’indexation est irrégulière (index à la hausse uniquement).
Le juge annule la clause : aucun rattrapage possible.
🍷 Exemple 3 – Déplafonnement au renouvellement
Après 13 ans d’occupation, le bailleur réclame une augmentation de +35 %.
Le restaurateur obtient une contre-expertise démontrant que le quartier n’a pas connu de modification notable.
Résultat : loyer plafonné maintenu.
6. Les bons réflexes pour un restaurateur
✅ Vérifier la clause d’indexation dès la signature du bail.
✅ Surveiller l’évolution de l’indice ILC chaque trimestre.
✅ Refuser toute augmentation non fondée sur un texte légal.
✅ Anticiper le renouvellement du bail dès la 8e année.
✅ Faire appel à un avocat spécialisé avant de contester ou signer un avenant.
7. Fin de bail : quelle stratégie adopter pour un restaurateur ?
Arrivé en fin de bail, le restaurateur se trouve face à trois options stratégiques, qui doivent être évaluées selon son projet (continuer, transmettre, ou quitter les lieux).
🔹 1. Demander le renouvellement du bail
C’est le choix naturel si le restaurant se porte bien et que l’emplacement reste stratégique.
Le renouvellement permet :
- de pérenniser l’exploitation,
- de sécuriser la valeur du fonds de commerce,
- et d’éviter la précarité juridique de la tacite prolongation.
👉 En pratique : le bail renouvelé est un atout majeur pour vendre le fonds de commerce, car il rassure l’acquéreur et le financeur.
🔹 2. Ne rien faire et rester en tacite prolongation
Certains restaurateurs laissent le bail courir sans demande de renouvellement.
C’est un piège fréquent :
- Le bail devient à durée indéterminée (art. L.145-9).
- Le bailleur peut donner congé à tout moment avec un préavis de six mois.
- Et surtout, la durée totale du bail dépassera les 12 ans, ce qui autorisera un déplafonnement du loyer au prochain renouvellement.
En d’autres termes, la tacite prolongation est une fausse bonne idée : elle peut coûter très cher à terme.
🔹 3. Préparer une cession de fonds de commerce
Lorsqu’une cession est envisagée, il faut distinguer deux cas :
- Si la cession intervient avant le renouvellement, le repreneur hérite du bail existant (avec son ancien loyer).
- Si la cession intervient après le renouvellement, le fonds gagne en valeur car le bail est sécurisé pour neuf ans supplémentaires.
🧭 Stratégie recommandée :
- Faire renouveler le bail avant la cession, sauf si une hausse importante est à craindre.
- Vérifier la valeur locative pour éviter un renouvellement défavorable.
- Anticiper les conditions suspensives de la vente liées au bail (renouvellement, droit de préemption, autorisation du bailleur).
✅ Check-list : la bonne stratégie en fin de bail
- Identifiez la date d’échéance exacte
- Évaluez si un renouvellement est favorable (loyer, durée, stabilité)
- Évitez la tacite prolongation sauf stratégie temporaire encadrée
- Si une cession est envisagée, renouvelez avant la vente
- Faites auditer votre bail (loyer, clauses, droits du preneur)
- Vérifiez les délais de congé ou de demande de renouvellement (6 mois avant échéance)
Conclusion – Anticiper, c’est protéger son restaurant
Une augmentation de loyer mal comprise ou un renouvellement mal géré peut grignoter plusieurs points de marge chaque mois.
Pour éviter les mauvaises surprises, le restaurateur doit maîtriser ses indices, vérifier ses clauses et ne jamais rester passif face à une hausse.
🔍 Le réflexe gagnant : faire auditer son bail dès la 8e année, avant tout renouvellement ou cession.
Cela permet d’identifier les clauses risquées, de négocier un loyer juste et de valoriser son fonds de commerce.
📞 Vous êtes restaurateur et votre bail arrive à échéance ?
Faites analyser votre bail avant toute décision.
Le cabinet accompagne les restaurateurs pour sécuriser le renouvellement ou préparer la cession dans les meilleures conditions.

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